2010 – 2019. Une décennie, quelques changements...
En dix ans, le monde de la restauration a évolué et même fort évolué. Nos habitudes, les lieux où l'on se rend, les chefs et leurs cuisines, la façon de présenter, de manger, d'appréhender ce que l'on nous sert... Quelques réflexions et constatations, venues après la lecture du New York Times (Pete Wells, Dec 17) en décembre dernier. J'en ai repris l'une ou l'autre, j'en ai ajouté, et il pourrait y en avoir encore d'autres.
La fourchette, le couteau, la caméra.
Instagram, son réseau social et son service de partage de photos et de vidéos, ont été lancés il y a dix ans. L’application a transformé l’image de l’assiette et du repas, influençant la façon de faire dont de nombreux restaurateurs. Si certains chefs ont bien essayé dans un premier temps d’écarter les téléphones de leurs tables, ils ont vite compris l’intérêt de l’outil, capable de les mettre en avant comme jamais auparavant ils ne l’avaient été. En fait, c’est surtout en cuisines que l’apport d’instagram est puissant. Plus on monte en gamme, plus les chefs maîtrisent cet outil. Pourquoi ? Parce que l’application leur donne la possibilité de s’exprimer directement à une clientèle acquise ou ciblée. Instagram, c’est davantage qu’une présence sur les réseaux sociaux, c’est un langage, un mode d’expression. (Photo @renesepul, écriture de La Wallonie à pleines dents)
Moins dans l’assiette…… plus de plats
Conséquence de l’importance grandissante de l’image, le chef dresse avec davantage de soin qu’il ne le faisait il y a dix ans. Et dresser avec attention, c’est en mettre moins dans l’assiette, mais davantage de plats, avec la disparition du classique entrée, plat et dessert pour des formules plus longues, en quatre, cinq, six, sept services…
La confusion des genres
On mange désormais dans des étoilés, des gastros, des bistrots, des brasseries, des bars à vins, des caves à manger… A Paris, j’ai récemment entendu parler de gastroquet, rencontre improbable entre le troquet et le gastro… Comment s’y retrouver ? Quels sont les codes du restaurant gastronomique ? Qu’est-ce qui distingue les genres quand on sait que les plus sérieux d’entre ceux-là ont les mêmes fournisseurs ? L’addition ? Dans certains bars à vins, deux planches de charcuteries et trois verres de vins vous donnent une addition digne de certains étoilés. (Photo by me - pâté dans l'assiette, dans un étoilé, l'excellent Bozar en l'occurence)
La percée des vins bios, naturels ou en biodynamie.
Il y a dix ans, certains s’en donnaient à cœur joie à l’encontre vins naturels, bio ou élevés en biodynamie. On a depuis compris combien ces voix étaient proches du secteur industriel et de l’agro-alimentaire pour leur accorder une quelconque crédibilité. Même s’il reste minoritaire, le milieu du vin naturel a acquis une réelle crédibilité no seulement dans les bars à vins spécialisés et les tables branchées mais aussi sur les cartes des restaurants étoilés. Si tout ce qui est naturel n’est pas à défendre les yeux fermés, et si les déviances existent et restent problématiques, la tendance est réconfortante. Un restaurateur sérieux ne peut éviter d’avoir à sa carte quelques-uns de ces vins différents, qu’il les apprécie ou non. Quant aux sommeliers, inutile de préciser qu’ils ont depuis longtemps pris conscience de leur qualité.
Le circuit court, le produit, le terroir, les terroirs...
On s’en est rendu compte en écrivant La Wallonie à pleines dents, cinq ans après Une Terre, des Hommes, des Recettes et Mange Wallonie combien la défense du le circuit court et du local est devenue une réalité pour une part grandissante de chefs. La prise de conscience est réelle. Mais attention, quand on parle de local et produit de qualité, on s’entend sur l’expression : on ne défend pas une agriculture nécessairement de proximité, proche du restaurant, mais plutôt une agriculture solidaire et citoyenne de petits producteurs, défendant le produit vrai, ici et ailleurs.
La cuisine végétarienne et vegan.
Il y a dix ans, on abordait la question avec curiosité. Aujourd’hui, on a adopté la cuisine végétarienne certains soirs à la maison et on sait que l’on peut faire des expériences aussi joyeuses que gourmandes dans des restaurants défendant la cuisine du légume, notamment Humus X Hortense ou au Botaniste. Et ce n’est pas fini.
Les food court
Avec le Wolff, Bruxelles possède également sont food court, espace réunissant plusieurs enseignes de restauration rapide. L’idée est ici d’associer restauration et fiesta, avec DJ et soirées en prime. La bouffe, version Dysney… On débarque quand on veut, on passe commande au comptoir et on consommer assis, debout, entre deux verres, en profitant d’une offre culturelle ou citoyenne (cours et ateliers divers). Les food court les plus intéressants appréhendent la question de l’alimentation de manière plus qualitative, avec marché bio, brasserie artisanale, et une offre culturelle quotidienne diversifiée et de qualité. La Commune, à Lyon, semble un bel exemple, avec une offre culturelle de qualité et de jeunes chefs invités en résidence. Ground Control, également, sur Paris.
Le restaurant à la maison
Le secteur de la restauration est dynamisé par l’essor de la livraison à domicile. Longtemps cantonné à la restauration rapide et à la pizza, ce service s’est élargi à tous les types de restauration. La qualité est davantage réclamée. Les chefs feraient bien de ne pas mépriser une opportunité permettant de rencontrer une clientèle nouvelle. Ce secteur permet d’augmenter son chiffre d’affaire sans gros investissement, si ce n’est la digitalisation d’une partie de ses services. Autre avantage : grâce aux services de livraison reconnus, les restaurants ne sont pas en charge de la logistique et des risques que cela comprend. Bref, beaucoup à gagner pour un secteur si propice à se plaindre.